lundi 30 janvier 2012

Goûts de souffre

S'engouffrer
Trop souvent.
Se demander
"Serait-ce temps
De partir ?"
Ne plus savoir
Ce qui s'évente
Derrière le départ.
Un désir
Une absence ?

vendredi 27 janvier 2012

Mal foi

Sans croire
Que d'autres jours viendront
Pour faire direction
De toutes leurs étendues

Sans croire
A ces heures volantes
Au soleil de leurs cils
Sous les nuits de la joie

Sans croire
A la fameuse chandelle
A ces jeux qui l'allument
Quel désir reste-t-il ?

Les directions débinent
Se défont sous les yeux
Fanées et essoufflées
Avant les premiers pas


Les questions vont nier
Eteignent les bougeoirs
Extirpent les "vouloir"
Et à quoi se fier ?

mercredi 25 janvier 2012

Surdités

Éruption d'absurde
Aux contours de la peau

Douleurs et vide
Se côtoient
Et se moquent

Pourquoi ?
Après ?
Comment percer encore
Sous le cuir qui enserre ?

lundi 23 janvier 2012

Qui a peur de (devenir) Virginia Woolf ?

"Mes lèvres sont mortes à minuit" chante L.
La soirée a un goût du riz cuit dans le lait, un goût de calme, un repos entre deux tempêtes. La douceur du weekend continue d'infuser mes membres endoloris et mon ventre douloureux. Des bribes de mots me reviennent par moment. Des interrogations tournent leurs points, me fond le dos rond. 
Je me débats avec des mots trop grands pour moi. Je vais trop vite. Y'a bien que les paquebots pour écorcher les icebergs.  Peut-être y a-t-il l'envie enfantine de continuer à croire aux illusions. De réparer les fissures qu'on se fait en grandissant, de revoir le monde à neuf.
En lisant Peter Pan à L. et R. l'autre jour, j'avais cette envie de battre de mains en disant "Je veux que les fées existent" pour Clo. Pour faire vivre encore le tintement d'étincelles et de percussions cuivrées minuscules que fait la branche qui tape contre le portail de fer forgé, loin sous mes ronces. Pour le bruissement des feuilles au printemps alors que tout recommence à pousser. Pour l'air qui s'engouffre lorsque ce portail rouillé s'ouvre.
Non, ce n'est pas aujourd'hui que je change.







Sur le blog d'Eva Truffaut, Archives et mythologie des lucioles, il y avait cette photo de Virginia Woolf. Je me demande si j'aurai moi aussi ces yeux immenses et creusés. J'avais pas vu l'enfant. Je repense à mon envie de parler des femmes au fond de l'eau. Vous ai-je parlé de cohérence, récemment ?



Pas près de changer, je disais. Pas vraiment salsepareille, non plus. Parce qu'il y eut un bel élan et qu'il me mène vers autre chose. Que je me suis juste trompée de mots. C'est pas si grave de se tromper de mots. Il fallait juste les retailler. Allonger la route, le temps de profiter du paysage. C'est peut-être ce détour qui m’amènera vers les mots justes pour finir ce carnet qui demande à sortir. 

I'll get it right... 

dimanche 22 janvier 2012

La Rapporteuse #10

Pendant que j'infuse ces derniers jours dans la ville familière, je vous envoie ces sculptures de silence découvertes dans le bruit :


"[...] Si je ne m'éveille
Repue de tous mes rêves
Festives écorchures."

"Quand la nuit consent à me parler
C'est à la lame
Qu'elle émince
Les lieux de certitude
Qu'elle mutile
Les aimés en solitude"

Ananda Devi, Quand la nuit consent à me parler, Editions Bruno Doucey



mercredi 18 janvier 2012

Croques

Rouler dans de la laine
Sans voir autre chose que la route.
Etre dehors, avec cette sensation incroyable d'être dedans.
Plus étonnant encore, d'être en dedans de soi.
Etre là.
Etre ailleurs, soudain.
Corriger des copies avec un gunpowder à la menthe
Corriger des copies avec un Côtes-du-Jura, devant la vitrine du café Charbon
Mordre dans un croque. Rien que pour le nom.
Regarder parfois la place de nuit
Profiter de la route vide, étrangement plus claire de nuit que de jour
Hésiter une fois encore à pousser jusqu'à ces marches anciennes - j'espère que nous irons
Voir les feux verts s'allumer les uns après les autres
Sentir que c'est simple

dimanche 15 janvier 2012

Blow a candle, or two or...

Oui bon. Et après ?

Les bougies ne provoquent plus cet émoi, cette excitation. C'est une journée ordinaire.

Presque.

Parce que le rendez-vous du matin à la banque fait office de bougies. Parce que les cadeaux sur la table du salon sont émouvants. Sont des attentions, des réponses si touchantes. Parce que le repas a des airs de fête, à cinq. Nous sommes cinq maintenant, et c'est bien.

Parce que je suis pourtant étreinte par cette envie d'extraordinaire, et que je n'ai pas su le faire naître. Parce que, c'est con, c'est seulement un jour, un soir mais qu'il surligne, souligne ma vie. Et particulièrement cette déception immense et enfantine qui peut m'enserrer pour des broutilles, des détails, des inattentions.

Parce que les voir tous le lendemain, admirer les bouquets, partager ce délice au vin jaune, lire Peter Pan à L. et R. qui se sont serrés sur le canapé et qui m'émeuvent, ça vaut bien tout le reste.

Parce qu'il y a un an, j'apprenais que j'étais admissible, parce qu'il y a deux ans, je buvais de la vodka de nuit avec frérot et un de ses amis, parce qu'il y a trois ans, je chialais en souriant dans le métro londonien, devant une boite de biscuits Tesco et un briquet / je m'endormais dans une Gallery / je mangeais au Parlement. Parce qu'avant ça, je ne sais plus vraiment. A part qu'à Sainté, ils avaient forcé ma porte avec le double de la coloquinte et une tarte au citron, que je les attendais au tournant, que c'était bon. Que ça me fait bizarre qu'aucun des deux ne se soit manifesté hier. Qu'en général, ça me fait bizarre qu'il n'y ait plus que le menuisier pour sonner à l'interphone ou avoir le double des clefs.


Que je peux dire ce que je veux, ce n'est pas un jour ordinaire

lundi 9 janvier 2012

Tout à côté

La voir arriver, devant la gare, si familière malgré les mois passés sans se voir
Rentrer dans le vif de la conversation, tout de suite, et parler sans tabous, sans peur, sans reproches.
Sentir cette incroyable bienveillance réciproque
Se parler de tout, de genre, d'âge, de désirs, de sentiments, de joies, d'espoir, de projets. Se conter nos trouvailles et nos rencontres alors que la crème a disparu depuis longtemps de nos chocolats viennois.
La raccompagner plutôt que de se séparer à l'arrache, plutôt que de s'arracher.
M'installer dans le salon de thé pour travailler, au fond, contre le mur
Passer devant le rue d'Enfer. Qui est juste avant le rue du paradis.
Longer les remparts. Et quand le feu passe au vert, démarrer sans les mains en écoutant "Tout à côté". 
Recevoir des photos qui rappellent -alors que la journée a été longue- les douces heures passées ensembles.
Boire un grand verre d'eau fraiche.



mardi 3 janvier 2012

De tous mes voeux

Avant-hier je suis rentrée chez moi, dans ce chez moi de nouvel adulte, pour reprendre mes classes. Autant le dire tout net, y'avait des cafards un peu partout sur les murs, parce que j'avais pas trop envie d'être dans ce chez moi, et d'être un nouvel adulte, et de reprendre des classes.
Vivre bien, vivre fort, aimer des gens, c'est s'exposer à ces soirs là, aux cafards sur les murs et aux larmes sur les doigts.
Maintenant que l'appréhension s'est laissée dépasser par la reprise, que la mécanique est repartie, je peux mieux vous le dire : je veux bien de ces soirs si ça veut dire pouvoir vivre tout le reste.
Dire que je vous souhaite ces soirs serait excessif. Mais je vous souhaite pour cette année 2012 tous ces trésors qui m'ont rendu la tache difficile pour quitter les lieux et les gens :

Des chants en famille, n'importe quand, au milieu de la table ou de la route. Entre amis aussi, dans la rue, dans la soirée.
Des blagues pourries et des jeux de mots à n'en plus finir
Des collègues de concours bienveillants et attentifs, des partenaires pour avancer dans les études comme le boulot
Des voyages sur les canapés des autres, des autres sur vos canapés. Ne serait-ce que pour les bonheurs des petits-déjeuners ensemble
Des sourires compulsifs derrières les vitres qui bougent, qu'elles soient de train, d'avion, de voiture
Des tables partagées et de l'invention dans la casserole
Des ventres noués d'envies nouvelles
De la famille et des amis qui (au choix) débattent et redébattent, vous hystérisent sans cesse avec lectures et liens internet, traduisent leurs fins de phrase en anglais, vous appellent ou vous écrivent parfois sans raison précise, vous font aimer les silences complices, chantent, écrivent, dansent, rient de ce rire si clair et si neuf à chaque fois, ne vous en veulent jamais d'être vous même (même quand ça implique des sautes d'humeur, de doute, des problèmes de place, des blagues nulles et de l'electro tzigane)
Des jeux pour être présents, ensembles. 
Des grasses matinées à savoir que des sourires se dessinent juste à côté
Des films suivis de grands silences ou de discussions interminables.
Des pas de danses, même minimes ou esquissés
Des thés nuageux entourés de confidences
Des amours de toutes sortes, et de toutes tailles, quelles que soit leurs formes
De la solitude qui ne soit pas de l'isolement
Des débats qui ne soient pas des disputes
Des doutes qui ne soient pas des chutes
Des compagnies qui ne soient pas des invasions
Des sommeils qui ne soient pas des comas
Des liens qui ne soient pas des chaînes
Des silences qui ne soient pas des gouffres
Des frémissements qui ne soient pas terreur
Des folies qui ne soient pas alienation
Des forces qui ne soient pas sans faiblesses (et inversement)
Des jours et des nuits, justement, simplement

lundi 2 janvier 2012

Retours

Quand je suis partie, il faisait déjà nuit, presque, et beaucoup plus froid que ce matin. 
J'ai dit "salut" une dixième ou onzième fois, au moins, et je suis partie. Dans la voiture bleue, j'ai tourné au coin de la rue, le ventre noué.
Quand je me suis aperçue que le ciel avait très exactement ces nuances de bleus très profondes, entre l'azur et le marine, qu'il avait le soir où je me suis mise à regarder, j'ai eu un choc. Les lampadaires avaient le même impact et les feux des voitures aussi. Et je ne savais plus si c'était la déchirure ou la beauté qui me donnait envie de pleurer. Je me suis dit que j'étais faite pour contempler peut-être. 
Quand je me suis mise à pleurer, exactement au moment où les sanglots avaient trouvé leur chemin jusqu'à mes paupières et à ma gorge, une grosse radée de pluie s'est abattue sur la voiture. Puis une autre et encore une, puis des gouttes plus régulières. C'était fou, tellement que j'ai souri dans mes larmes. 
Quand j'ai pris le rond point, juste après, je me suis dit que l'autoroute c'était plus commode pour pleurer. Et j'ai souri de nouveau.
Quand j'ai séché mes larmes, j'ai roulé, encore. 

Tous les beaux galets amassés ces derniers jours, et tous ces coquillages me rassurent, même s'ils me pèsent à cet instant précis. 
Je vous souhaiterai une bonne année bientôt. Mais il faut que je fasse sécher les trésors au soleil avant de les partager.