mardi 20 février 2018

N'est-ce qu'un nom ?

Félixe Blizar.

Il y en a eu d'autres, avant, des alias et des Avatars. Geai, bien sûr, pour le NigloDrom, et les débuts ici, et puis Hériss' pour les premiers MotsdeTravers. Bien avant, il y a eu Laho***, Antig***, et bien après Clo***Da***.

Félixe Blizar est apparue à Lyon, début 2011 je crois. C'était dans l'atelier des Consignés. J'avais cherché longtemps un nom pour succéder à Hériss. Noté, combiné, essayé tant de choses jusqu'à arriver à cet endroit là, juste, sous un repli de peau, qui se nomme Félixe Blizar. Félixie ou juste Blizar selon les jours. Je me rappelle très précisément pourquoi ces noms là, sans oublier que se nommer tient du sortilège, que le choix d'un nom ne se résume pas à une liste de bonnes raisons.
Il faut que quelque chose tienne.
Oui, mais à quoi ? 

Ces temps, je me suis demandé si je voulais, si je devais, si je pouvais donner l'adresse de Félixe à quelqu'un. Donc forcément, je me suis demandé qui était Félixe au fond. Ce qu'elle représentait. Ce qu'il y avait dans ces deux espaces. Ce que ça disait de celle que je suis, au delà de ce nom, et de ce que ça pouvait transformer aussi. Je me suis demandé pour la millième fois ce que ça pouvait avoir comme sens, écrire ici, et si c'était stupide ou vaniteux. 

J'ai relu des dizaines de posts, fouillé dans les archives et même dans les brouillons. 
Bien sûr, aucune réponse à mes questions.

Ou plutôt toujours les mêmes. Mais je n'y vois pas plus clair, tant chaque phrase, même la plus grandiloquente et la plus maladroite, est une goutte de lymphe ou un morceau de chair. Un ongle incarné, un poil, un grain de beauté. Impossible de reculer. Tout est trop près. Je vois les difformités dans les détails. Et quelques reflets. Mais c'est à peu près tout. Aucune idée de ce que peut donner l'ensemble. 

On est bien avancé.

Pour écrire ce post, j'ai en fait ouvert un brouillon d'il y a deux ans, constitué d'un titre et de deux mots. Quelques mois avant, j'avais reçu un message  très émouvant et déroutant. Quelqu'un que je ne connaissais pas, avait atterri ici, en tirant un fil sur Twitter, et me lisait. Vraiment. On a beaucoup échangé. 
Cette histoire là m'a interrogée sur l'écart entre ce que l'on percevait de Félixe Blizar et ce que j'étais moi. Il y a eu la terrible sensation d'être dépassée par un personnage et d'avoir déçu (presqu'au sens du mot anglais deceive). La terrible sensation d'être une incarnation grossière de ce que les mots laissaient présager. Je ne sais pas si c'est exactement ce qu'on a pensé, mais c'est quand même ainsi que je l'ai vécu. Et l'idée que mes petits mots en bordel avaient touché quelqu'un est devenue soudain tranchante.
Ca a été un peu violent, c'est le moins qu'on puisse dire. 

Quand les échanges ont cessé, j'ai voulu écrire un genre de mise en garde qui rappellerait que Félixe n'est qu'un être de lettres, qu'une infime partie de la fille qui écrit derrière, qu'un miroir déformant de fête foraine, qu'un exercice de style parfois. Qu'une fiction, après tout.
Moi un peu plus, et un peu moins en même temps. 
Parce qu'il y a les choix, les grands silences sur les choses essentielles (que les aimés de la vraie vie ne se froissent donc pas si je ne raconte pas ceci ou cela... il y a des choses que je veux garder jalousement pour moi ou que je ne sais pas écrire tout simplement), les détours, les raccourcis, les traits repassés à l'encre et ceux gommés, le goût du rythme, et celui, excessif, des énumérations. 

Et puis j'ai laissé tomber, en me disant qu'après tout, ça allait de soi, quand même, non ? Et qu'on allait arrêter de s'excuser d'être là, et qu'on allait se tenir debout comme des grandes, Félixe et moi. 

Ces temps, c'est la crainte inverse qui m'habite. Celle que les mots de Félixe dévoilent l'insignifiance et la vanité de la fille derrière l'écran. 

Je relis le texte de présentation que j'avais proposé en 2011. 

Félixe Blizar ce n'est qu'un nom. 
Je suis bazar, les yeux brouillards et j'ai les doigts tout dérouillés. Ancre plus encre que clavier, ancre perdue sous le papier. Pleine de cailloux et de tessons, pleine de frissons. 
Félixe Blizar pour vous écrire. 
Voici des mots à peine passés au court-brouillon, des bouts de pierre, galets de lierre à hérisser les dandelions. Des truc en sang, en scène, en son. Parfois sereine et parfois non. 
Félixe Blizar, n'est-ce qu'un nom ?

Comme quoi, en sept ans, il y a des choses qui demeurent. Solides ou indécidables. 

Reste qu'il faudra bien arrêter de s'excuser d'être là, et tenir debout, comme des grandes, Félixe et moi.