mardi 26 juin 2012

Tessons et cailloux #9

Des bornes et des bornes, un soir, pour écouter de la musique et voir la famille. Des bornes et des bornes, musique annulée, et moitié de famille. Mais quand même l'occasion d'écouter une batucada jouer avec un groupe de cornemuses, au débotté. L'impression qu'on manque de ressources, à force d'organiser : l'annulation ne fait pas place à un fourmillement d'amateurs malgré le monde qui déambule. Et le goût de churros sur le parking. 
Aller la chercher à la gare, grignoter assises sur les quais, se poser en terrasse et boire des verres de Montbazillac dans le village éteint, longtemps, par terre, avec un peu de cendre allumée pour faire une lumière. Se parler de ce qui est beau, de ce qui ne l'est pas, prévoir les heures de marche à l'été pour cheminer. Faire le marché, que tout passe trop vite. 
Enchainer les films au ciné, être agréablement surprise parfois. Entendre par hasard à la radio les lettres de Calamity Jane à sa fille et se rappeler le lycée. Être poursuivie par ce titre "Pourquoi être heureuse quand on peut être normale ?". 
Se laisser aller à rêver. Relire des contes. Se marrer devant Sacré Graal avec les élèves. Entendre de belles choses avant de bientôt quitter cet endroit, le lieu de mes journées. 
Laisser revenir petit à petit le doux rêve de la nuit, savoir aussi que ce rêve ne prendra pas pied dans la réalité. Avoir un peu de peine, essayer pour cette fois de ne pas se laisser émietter. 
Se laisser aller à revenir, un jour, au moins en pensée.

mardi 19 juin 2012

Les étoiles tristes

On a regardé s'égrainer les étoiles sur le tableau. Les résultats par pôles. Mais sont-ils magnétiques ? De grands cercles, presque parfaits, et puis, des cabossés, qui vont en pics et abysses. Un question d'aire. De visibilité. Les lignes se font parfois lignes de fuite quand elle suivent si bien la courbe de la classe que c'en est troublant. Les élèves "représentatifs et moyens" à tous égards sont rares. Lignes de fuite aussi quand, et cela arrive souvent, les résultats ne disent que peu des efforts, ou au contraire des abandons. 
On apprend alors que les étoiles attendues sont des cercles, sans aspérités. Mais que les étoiles-étoilaires sont problématiques. (J'aimerais ne jamais avoir à le dire à un enfant).
On note, on parle, on écoute : progrès, effort, travail, participation, soin, capacités, attitude, abandon, dynamique. On fait de notre mieux pour ne jamais se contenter d'une vaine plainte, mais pour trouver des solutions, des propositions, pour provoquer des déclics, pour aider la confiance, pour restreindre les mouvements descendants. C'est long, c'est fatigant d'aider quelqu'un à son corps défendant. C'est impossible en fait, mais je crois que l'impossible on le tente (presque) tous les jours. Juste parce que des fois, ça marche. 
Et puis on est passé à une nouvelle étoile. Toute petite et toute accidentée. C'est le déluge qui en est tombé, parce que l'élève derrière l'étoile avait mis tellement de force CONTRE, que la situation était intolérable pour tous. Il n'a eu de cesse de se saboter, de se saborder avec un sourire franc et massif, avec une voix forte et assurée. L'impuissance a rarement atteint de tels sommets. Le pourquoi qui résonne n'obtiendra pas de réponse. Alors, le déluge, le dégel, et moi je regarde l'étoile. Elle a un peu une forme de papillon, mais c'est tellement triste, ces ailes atrophiées. 
Ce soir, j'ai vu défiler des étoiles, un peu étourdie parfois, et je me demande jusqu'à quel point on les dessine, jusqu'à quelle point on leur permet de s'étendre et de s'allumer. 

Il est toujours grand temps....

vendredi 15 juin 2012

"Et on prendra un dessert à la maison"

Les derniers jours studieux malgré les joies et libérations diverses. Copies, notes, bulletins et tout le tintouin. Parler du célibat dans une Épicerie qui n'est pas un bar à tartines mais quand même. Batailler et rire à la fois avec des élèves qui se sentent déjà en vacances. S'amuser à les surprendre. Encore toujours. S'énerver aussi. De les voir parfois se saboter joyeusement. De les regarder s'ignorer, oublier de s'écouter. Sourire fort de leur enthousiasme d'avoir obtenu une note inespérée.

Et puis aller boire une mousse en terrasse avec Ma.
Et puis le lendemain, repartir ensemble et parler des heures. Devant les crocus du café Charbon, devant un verre de Montagny. Et puis en souriant devant un dessert tout en sachant que dans la voiture il y en a un autre pour plus tard avec ceux qui attendent à la maison. Parler, et petit à petit confier, parce que cela va de soi. S'étonner, s'interroger ensemble. Dans cette compréhension complice et évidente alors que la tablée derrière nous hurle et parle de foot. Parler de lui, parler d'elle. Des autres lui et des autres elle. Revenir une heure trop tard, s'en foutre. S'installer dans le jardins aux herbes hautes près de la balançoire, en grignotant. Dans la cuisine, devant une tisane. Dans la voiture. Parler parce que cela va de soi, parce que le flot ne saurait être endigué.

En rentrant, la nuit et les étoiles, le ciel qui contraste avec la place. Penser qu'elle me fait comme une chanson des Têtes raides. Que je ne sais pas plus ce qu'il faut que je fasse de tout ça. Pas elle, mais elle.

Sourire, épuisée.

mercredi 6 juin 2012

Tessons et cailloux #9 Résidus de pensées

Si Darwin m'avait rencontrée, je crois qu'il m'aurait dit d'arrêter, que sérieusement, c'était pas la peine.

De même que dans une autre vie, je fais du rap, dans une autre vie, je suis punk à chien.

Comment peut-on sortir dignement de tout ça ? Si on peut en sortir. Cela ressemble tant à un piège, à un magma qui absorbe tout, et en premier lieu la contestation. Et s'en nourrit. De la chair à canons de beauté. De la chair à c(an)onsommation. De la chair à canoniser des salauds. De la chair à. Et les os, alors, seront-ils rongés ?

Le plus terrible, c'est que la douleur vienne moins de la perte que d'un ego éraflé. Pourtant, depuis le temps qu'il est douché à haute température, il devrait avoir rétréci, l'ego, non ?

Souvenir d'une comptine, en boucle, "Sur la route il n'y a que moi, et un arbre si je veux, dans le pare-brise si je crois, que la chandelle ne vaut le jeu..."

Et maintenant, on va où ? Et maintenant on fait quoi ?

"Je ne t'ai pas dit la vérité, elle est beaucoup trop belle pour que tu la supportes" Cette phrase dans le film me rappelle une autre phrase, il y a longtemps, après une soirée hors de toute atteinte.

Il a galéré pour Wapi Yo, le son grésillait. Et puis, ça a fini par tenir. Miraculeusement, sur le fil. Et plus rien pour briser la grâce tendue à bout de corde.

Elle est arrivée en tenant à bout de bras son sourire, sa voix, son accent chantant et sa foi. C'était tellement touchant, malgré la résonance terrible de l'église. J'ai claqué des doigts, comme un encouragement du passé vers le présent. Et la petite fille qui s'assoit sur la scène était dans son ventre, la dernière fois, ça fait tout drôle. Et ça fait beau.

Et maintenant, je fais quoi ?