vendredi 12 octobre 2012

White Rabbit, Black Habits

[billet en gestation depuis un bail, qui s'est transformé jusqu'à arriver là]

En retard, en retard... 
J'arrive toujours en retard. Sauf au boulot. Mais ailleurs, beaucoup, beaucoup trop. D'ailleurs il y a tant de choses que je fais "de trop". Dormir. Manger. Procrastiner. M'inquiéter. Même si tout ça tend à s'améliorer. Clairement. Mais. J'achète des livres sur des coups de têtes. J'arrache les petites peaux sur mes boutons. Je tire sur mes hauts. J'écris des lettres que je ne poste pas. Je m'excuse souvent. J''oublie les papiers et les formalités. Je m'épile quand j'y pense. Je tords mes mains et mes pieds. Je chante trop fort. Je regarde des films et des séries, parfois fabuleux, parfois de qualité très douteuse. Je papillonne du regard. Je ne sais pas rester tranquille. J'ai des idées de textes que je ne note pas et que je perds ensuite. J'écris des trucs pour des gens qui ne passent pas par ici. Par exemple : je pense toujours à toi quand elle chante ce poème de René Guy Cadou. Voilà, encore un truc qui va se perdre quelque part sur la toile. Je me demande où ça coule, tout ça. Tout ce qui n'est pas lu ou presque pas. Est-ce que c'est foutu, superflu, poussiéreux, prétentieux ? Je me demande des choses qui servent à rien. Mais, ces questions, j'en ai besoin. Je me fatigue, et en même temps, je m'autorise peu à peu à m'aimer bien. J'ai envie de crier des trucs à la terre, mais ces trucs là, je sais pas faire. Alors pour une fois, j'apprends à me taire. Mais un jour, j'ai peur, un jour je crains, que tout ne craque, que ça ne perce.  Et que le flot s'emporte loin. Et que ça fasse mal au point de revenir des millénaires en arrière, à quand moi et moi, on se supportait pas tant que ça. Et que ce soit trop dur, trop tard. 

En retard, en retard.
Je vois des liens tendus  partout, avec les gens que le lis, sur du papier ou sur l'écran. Même s'il s'agit de lianes qui ne sont pas lancées vers moi, je les attrape au passage, parce que ça fait sens ces toiles tissés avec le monde. Le chapitre d'hier soir intitulé "Sérendipité", à la lumière dans la bibliothèque d'un château normand. Les mentions de Perec, me donnent une forme de petite cuiller. Le nom sur la carte topographique - il est question de pierre et de fées- le même que celui visité il y a très très longtemps avec les parents et leurs amis. Alela Diane, et mes pieds fatigués sur le chemin du mini-mémoire à Dublin, quand on s'envoyait des mails avec A., que j'allais me coucher, qu'elle venait de se lever. Des gazouillements sur le silence, la poésie. Un vieux projet retrouvé dans un carnet, où déjà il est question des crimes, de ceux qui sont revenus hanter ma poésie. Et tant d'autres encore, encore, dans cette fameuse cohérence dont je n'arrête pas de parler, au milieu de l'absurde et du chaos.

En retard, en retard.
A défaut de lapins blancs, j'offre mes heures de course après le vent aux vaches claires qui se prélassent dans les champs, déposées comme des fleurs, ici et tellement ailleurs, dans une tranquillité. Le long de l'eau en revenant du collège et du marché, j'ai eu une poussée de joie comme d'autres ont des poussées de fièvres. Joie d'avoir à la fois l'eau, le collège, le marche, et les vaches et l'arbre fou dans le pré. Les jours ici naissent dans un épais brouillard qui permet de rester encore en soi, qui permet de laisser un peu de flou aux choses, de les rendre moins tranchantes. De croire que le monde et ses mauvaises habitudes ne sont pas encore dessinés et qu'on peut encore y mettre ses coups de craie. 

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