mardi 14 octobre 2014

Des S- / A pieds joints

Sauter à pieds joints
Sortir des conversations sans une larme
Surprise de la ressemblance ignorée
Soulèvement de peau, en faisant du yoga
Sauf, safe, ces mots sur le parquet et sur le canapé lors de sa visite
Soudain, l'inconnu qui explique pourquoi il y a des chaussures au fil électrique
Send - voilà, c'est envoyé, comme une droite, comme une lettre aux joues rouges, comme une porte au passé. 
Souffle, chère Lia, sur tes bougies-ballerines, la lumière restera
Scotchée devant House M.D. pour passer dans l'automne
Sauvetage de la radio magique quand la peine Marine étouffe l'esprit, quand la manif-pour-quelques-uns débite des conneries et des espoirs, à la tronçonneuse. 
Saturne, j'apprends qu'il y a des orages - et sur Vénus, aussi
Silhouette plus sûre dans le perfecto bleu
Soudaine envie de danser, comme à chaque fois que la fatigue a tout emporté
Sirocco, chante Bertrand Belin, "sous le sirocco de son râle"
Suinter de pluie dans la ville, à apprendre les élèves
Stupéfaction quand je sors une petite boite à coudre pour présenter Thérèse Raquin
Silence, petit à petit, quand je lis des derniers mots de condamnés, avant d'ouvrir Victor Hugo
Superficialité joyeuse des cheveux allégés
Sacre des moments de victoire
Soie des minutes partagées
Sens, enfin, sens que tout cela, même inventé
Siroter du vin blanc, en cuisinant, parce que ça va, bien
Sinueusement marcher, de rose vêtues
Sécables les peurs que je découpe, comme on déleste une montgolfière
Sel en fleur, sur le carnet orange où frémissent les poèmes nouveaux
Soleil d'hiver, chante Arthur H, et voilà que ça écrit, écrit
Septembre octobre
Sursauter sous la peur et l'envie
Sauter à pieds joints




vendredi 3 octobre 2014

Septembre, débarquer

Je n'ai rien écrit sur la rentrée. Sur le retour.

C'est assez surprenant, cette idée de "rentrer" au travail. Surtout quand on n'est titulaire que d'une zone-de-remplacement. C'est à dire, d'une steppe, c'est à dire, du vent. Surtout quand on ne fait pas deux rentrées de suite au même endroit.

Plutôt que de rentrer, j'ai l'impression de débarquer. De m'aventurer dans des couloirs inconnus avec cet air curieux et inquiet. Par exemple, cette année, il me manquait une clé. Arriver le matin sans savoir si on va avoir la clé... Comment vous expliquer ce que ça fait ? Ce serait une bonne image de 'la rentrée". Il faut conquérir peu à peu des lieux, se saisir de toutes ces clés, celles pour les serrures, celle pour la cantine, celle pour le portail électrique, celle pour la photocopieuse, celles pour les espaces numériques de travail, celle pour la machine à café. Et puis toutes les clés invisibles et innombrables pour réussir à créer des liens avec les élèves et les collègues. Ces clés là, c'est comme les papillons. Quand on croit mettre la main dessus, on n'est jamais sûr qu'elle ne vont ni étouffer ni s'échapper.

Je n'ai rien écrit sur la rentrée.

Parce que c'est toujours cette sensation dont je parlais il y a deux ans. Que dire d'autre ? A chaque fois, il y a ce coup de poing, les espoirs démesurés et les craintes tout autant. Les précautions, le temps de se tourner autour, de se regarder faire, de se jauger. Toujours cette sensation, si ce n'est que j'ai l'oeil moins humide et le ventre moins hésitant qu'il y a deux ans. Si ce n'est que la pelisse de l'adulte est un peu plus usée et qu'elle tient mieux, qu'elle me démange moins.

A côté, il y a encore tout ce soleil, sur les pierres blanches, qui joue à l'été, à faire comme si, avec ses terrasses repeintes de blanc sec, assises sur un coin de trottoir. Il y a les visites simples-fortes-joyeuses, les rues que l'on remonte, les verres que l'on descend, les blagues nulles et les discussions existentielles. Il y a l'envie de continuer à prendre le temps pour la poésie, pour la cuisine, pour courir un peu même. Le refus de réduire à nouveau sa vie.

Le refus de réduire à nouveau sa vie.

A défaut de pouvoir vivre au jour le jour, apprendre à vivre durant le jour, et à laisser la nuit se goinfrer de silence. Oui, laisser un peu la nuit et participer au grand silence de la ville assoupie. 

mardi 23 septembre 2014

A l'atelier #2 : Dehors (septembre bis)

Allez, un texte d'atelier, pour balancer encore l'été dans son hamac de papier. Ici, il s'agissait de  poursuivre un texte de Philippe Malone, Septembre, poème d'un seul souffle qui suit le parcours d'un enfant dans un paysage en ruines et sous les bombardements, jusqu'à l'âge d'homme. Le fragment initial en italique est donc de l'auteur. (Au passage, allez donc lire le livre en entier...) Et puis, inspirée par Augustine, une version sonore à écouter en bas, comme en atelier. 


*

et commence le long chemin de l'enfant, bras en croix, mains ouvertes dans le couloir obscur, où il sent le courant de l'air qui arrive du bout du couloir, sans que les yeux puissent toucher autre chose que la nuit, sans lampe, sans veilleuse, et bascule son corps sur la jambe gauche, gauche le corps déséquilibré sans ligne d'horizon, alors l'enfant appuie de ses oreilles sur le silence interne, alentour, sur cette seule ligne droite pour soutenir le lent basculement d'une marche à tâtons

et il décroise dans l'espace secret, sa main droite, juste après la jambe droite, l'une qui cherche le sol, l'autre qui cherche le mur, et qui n'a pas le loisir d'hésiter, à l'orée de ce mur fait d'on ne sait trop quoi, alors la main de l'enfant heurte la paroi, s'étonne des aspérités franches d'une peinture écaillée qui fait comme une falaise au bord de la nudité, pendant que le pied de l'enfant se repose sur le sol sans être sûr qu'après, il n'y aura pas la même falaise que sur le mur, et à chaque nouveau pas, il faut tâter l'espace, essayer de voir du bout de la chaussure où s'arrête le monde – Est-ce que c'est là ? Est-ce que c'est là ?- jusqu'à ce qu'un corps dise, c'est ici que ça s'arrête pour un temps, que tu dois réfléchir, encore, à l'enjambement des corps, d'accord, d'accord, dit l'enfant, aux yeux ouverts à vide, quand une larme penche,

alors l'enfant trouve au fond de sa jambe comment survoler le corps et rassurer le gouffre qui suit, et il continue, ainsi, jusqu'à ce que la main tombe soudain dans le vide, jusqu'à ce que le pied sente le sol s'effriter et lui faire une place, jusqu'à ce que le vent qui bouscule ses cheveux soit plus fort, il continue ainsi, pesant chacun de ses muscles, vivant chaque bout de corps jusqu'à ce qu'il soit dehors.


  

mardi 16 septembre 2014

La fin des estivités

Quand les toiles de festivals ont été repliées, qu'il a fallu se dire au revoir, ente deux guimauves, quand on a fini par lâcher les derniers mots, ceux que seuls les au-revoir savent nous faire expirer, je suis allée dormir sous la voûte d'une maison amie. Et puis, le lendemain, je les ai retrouvés, là. De ces quelques jours, beaucoup de sautillements, et les petits ratés qui vont avec. Pétanque tout-terrain, têtes coupées, promenades à parlotte, lumières orageuses à siroter, verts de chair. S'élancer en riant. Un, deux, trois... Garder ça, l'élan sous les rires et les membres envolés, tordus, dessinés. Un, deux, trois... 













En septembre, comme un épilogue à cet été, je retourne dans la maison d'enfance de Bouh. On était là, dans le vert, à faire les choses, tranquillement, dans cette évidence, comme si on allait se revoir avant plusieurs mois. Boucler l'été sur cet au-revoir, sur ce quatrième départ, un "bout du monde", encore un, un nouveau, un autre bout du monde. Garder l'image de la belle Bouh, dans le rétro, flamboyante dans le soleil et sa jupe rouge. Serrer les yeux pour ne pas pleurer. Une dernière fois, dire un "bonne route", dans le rétro, perdu dans le crissement des pneus. 













N.B. : Les trois dernières photos en noir et blanc sont des détails de photos prises par Mlle Bouh en question.

lundi 15 septembre 2014

F-estival #3 - Sous l'arbre, soleil de loir

Repartie pour un tour.
Toujours avec une voiture au soleil, de la musique, et quelques poches de poésie, pour l'intraveineuse.

Le départ s'était fait bien avant. Un jour, mon amie Celar avait appelé en me disant "il y a cet endroit- ils ont une bourse d'écriture, tu devrais essayer". Puis, un autre jour, elle avait dit "Tu te rappelles de cette bourse d'écriture ? Vraiment, tu devrais faire un dossier. Moi, j'ai la sensation qu'elle t'attend, qu'elle est pour toi." Enfin, c'est moi qui l'ai appelée en disant "Je l'ai eue".

Voilà. c'est l'histoire de cette semaine où quelques personnes ont décidé de me donner du temps, de l'argent, de l'espace, pour que je puisse écrire. C'est l'histoire de cette découverte : j'ai le droit d'écrire, de le dire, de vouloir en faire quelque chose de plus que moi.

Je ne sais pas comment vous parler de cette dernière semaine de fête estivale.

Parce que je tiens au fait de n'être ici que Felixe Blizar, que vous ne sachiez de Félixe que le fait que ses trajets en voiture sont des épopées (et quelques autres trucs). J'aime être ici n'être qu'une fraction de moi, une demi-portion, une ombre ou un vague reflet, tout en ayant l'impression que ça me permet d'être aussi un peu plus que moi-même. Etre cette part de moi que j'appelle Félixe Blizar, qui vit dans une ville sans nom, dans une rue de surnom. Et que si je commence à vous raconter cette semaine en détails, c'en sera fini de Félixe, de la possibilité de me cacher derrière cette fraction, derrière cette fiction. Oui, si je vous raconte, les fils seront cette fois trop facile à tirer, et hop, plus de masque, plus de robe, plus que de la peau nue. Ça, je ne sais pas faire encore. 

J'oscille. L'envie de dire cette chance, ma gratitude, ma joie mais aussi les choses moins jolies, la fierté, les aiguilles d'orgueil. L'envie de vous envoyer des liens vers les gens incroyables rencontrés, de partager mes lectures folles. Et puis la nécessité du contre-jour pour avancer. 

A défaut de savoir vraiment vous raconter, je vous envoie une rétrospective, mots en mains.









jeudi 28 août 2014

Intermède estival : L'Hospitalière

Vacances coupées en deux.
Où l'on réapprend que rien ne se passe jamais comme prévu.
Qu'on ne maîtrise pas tous les langages.
Qu'une bulle dans le cathéter peut te repeindre en bleu. Et qu'une lame n'est pas forcément un couteau.

Mais la présence de T&A, toujours toujours. Et de ma tante Mistigri. Les coups de fil, et un Dan Brown avalé dans une nuit claire.

Mais la journée de visites la plus folle, avec les acolytes.
Oui parce que bien sur, le seul jour de l'année pour se voir, avant qu'ils ne repartent tous dans leurs contrées très lointaines (encore des amis à l'autre bout du monde), c'était le lendemain de mon supposé retour de l'hôpital.
Qui s'est transformée en rencontre à l'hôpital (goût pour l'original et l'inoubliable, dîtes-vous...)Voilà comment on s'est retrouvés entre les références à Pascal et à Kaamelott, un immense cerf-volant déployé sur le lit. Voilà comment je suis allée faire des pas dans le couloir avec la Coloquinte, riant du ridicule de la situation, alors que le moindre rictus me fendait le corps.

Se tenir littéralement les côtes en riant. Trouver ça étrangement beau. Comme cette fête des vingt ans où j'ai vomi avant de boire une goutte d'alcool, juste parce que N. avait amené un cadeau private-joke-référence-bonvoyage our le moins original. Et la belle Coloquinte, la si belle alerte rousse et sa générosité, son sac de Mary Poppins, son sourire malicieux, ses conseils de films gores et son regard aiguisé... Avoir mal au ventre, littéralement, de penser qu'on ne se reverra pas avant quelque chose comme un an.



Rentrer à la maison. Enfin, la leur.
Et voir arriver les amis de Belgique, Passereau et son compagnon, de retour de rando. Manger un peu plus. Rire autant, attablés dans le salon de mes parents. Cette chance de toujours pouvoir mêler famille et amis. Qu'ils connaissent ceux qui peuplent mes villes. Sourire de les imaginer, un de ces jours, sans moi mais avec Passereau, dans les rues de Gand.

Et puis le lendemain, alors que la maison se déserte, Bouh arrive. On reste là toutes les deux, à se soigner l'une l'autre, à ramasser des cornichons, à discuter beaucoup, à regarder un film sur Villa El Salvador (envies de partir), à déjeuner sur la terrasse, à prendre le temps du temps. Clo. passe nous voir et voilà que soudain, les torrents jaillissent, au croisement de nos trois vies de femmes. Que tout ça se raconte, comme à la bougie, sans qu'on comprenne bien comment la nuit arrive. Je repense au fait que confiance se dise confidence en anglais. Comme cela a du sens.

Vacances coupées en deux.
Encore une autre vacance au milieu.
Où l'on réapprend que rien ne se passe jamais comme prévu.
Où l'on re-connaît qu'il y a tant de gens autour, et que l'on a tellement de chance...

F-estival #2 - A la rue

Quitté à regret les poèmes de Sète qui séchaient au soleil. Le lendemain, il y avait un rendez-vous pas très drôle. Pas grave non plus, mais nécessaire. Et un deuxième pour le surlendemain. J'ai fait les allers-retours sous les rayons lourds de juillet, seule, comme une grande.


Quand je suis revenue, une ville avait changé. Il y avait des affiches partout, de gros points-repère rose, des écoles renommées et des specta-touristes en goguette. Aux terrasses des cafés, des artistes et des techniciens discutant du statut de l’intermittence. C'était comme si tout était déguisé ou révélé.

J'avais déjà vu la ville en costume de festival. La toute première fois que j'étais venu, pour les toutes premières vacances entre amis, c'était déjà dans le théâtre, en juillet. Bien sur que c'est étrange, de redécouvrir les dix-sept ans sous la ville de l'âge adulte. De fredonner "Romocheva", sur le quai où l'on ne peut plus circuler.

Il reste quelques trucs à faire avant de retrouver la filleule de Kh. Mais, en passant vers le centre nerveux du festival, c'est pile sur elle que je tombe, et sur ses parents. Les petites coïncidences qui donnent un sens, même factice, aux lieux que l'on parcourt.

J'attends ensuite V. et M., deux oiseaux de passage, par hasard, pour autre chose. Ma filleule, Violette, nous rejoint. Et finalement, la première soirée de festival se passera hors festival, à manger indien-végétarien et à errer dans les rues envahies de spectacles off-du-off-du-off. C'est une soirée à la fois étrange et facile, au milieu des traces d'un quotidien en robe d'apparat et en détritus de foule.

Le lendemain, déjà, il faut se dire au-voir avec V. et M. Violette part à l'assaut de la ville, et moi j'attends, en essayant d'attraper un peu de calme. Il y a toujours ce sentiment très ambigu, à la veille des semaines serrées d'amis, étouffées de gens et de choses à voir, qui pendule entre la joie pure, l'excitation, et la crainte de ne plus respirer, de me sentir pressée, op-pressée.


Je m'élance tout de même dans le ville, seule d'abord, l'appareil photo à la main. Pour réapprendre à voir, pour apprivoiser, frôler des yeux, admirer un peu les endroits usés de semelles. L'appareil est mal réglé, il faudra s'en occuper. Mais tant pis, pour cette fois, cela suffira. Regarder le monde un peu plus flou.

Ce jour-là, peu de spectacles. Beaucoup de grèves et de conversations. C'est difficile, et pourtant, il y a quelque chose de très beau dans ce programme édenté, dans le calme saturé de monde qui se contente de marcher et de discuter, dans les itinéraires invraisemblables et les piétinements des débats. Les compagnies viennent tenir leur rendez-vous, expliquer la grève, discuter. Un chœur de femme, en civil, chante "Bella Ciao" sous un soleil de plomb au lieu du spectacle prévu. Les gens autour chantonnent, hument, sifflotent. Les applaudissements sont nourris, un peu fébriles et émus. Cela rend bien l'ambiance de cette ville en festival et en attente, des gens qui marchent vers des spectacles qui n'auront pas lieu et qui n'en prennent pas ombrage. Je suis soulagée de ce soutien palpable, tangible.

Au bout du fil, il y a la famille qui doit arriver, qui viendra en deux groupes malgré les cailloux dans la machine. Le frère et Lia d'abord, que je guide dans les rues mal connues. Puis T&A, qui arrivent dans la petite cour du musée. Les groupes se font et se défont. On voit le meilleur, et le moins meilleur. Des ovnis qui réussissent à nous emmener. Plantés debout, avec les pieds écrasés, à rire. La fatigue tombe peu à peu. Les rues de nuit, étoilées de monde. On rentre camper à l'intérieur. Il y a la petite lumière et un matelas bleu à côté de celui du frère et de Lia. Des mots de bêtise, des douceurs, comme devant la table du petit déjeuner, que l'on déserte pour aller voir les Souffleurs, immobiles, veiller sur la ville. En terrasse, avec un café, au soleil, et les Souffleurs qui veillent.

Vadrouiller au gré des écoles peinturlurées, au soleil, dans cette lenteur joyeuse des groupes qui doivent prendre des décisions. Et maintenant, quel spectacle ?


Deux histoires de migrants. Une déambulation et un cercle.  Jusqu'au soir, vers la cour où, en rond, se jouent les lignes frontalières qui déchirent les mondes. Les imperméabilités à sens unique. Les mobilités pointillères. En traversant la rivière, cela fait débat. Sont venus nous rejoindre Fr. et Bou, leur sourire et leur sac en bandoulière. Se demander ce qu'est l'intérêt d'un spectacle, d'une oeuvre d'art, ce qu'on en attend, tout ça devant un hot dog, sur les tables poisseuses qui font tout le charme des fêtes en plein air. John-et-Pluto-er, encore, ne pas toujours être raccord. Et puis laisser les familiers reprendre la route, un peu à contre-coeur.

Se voir à demeure, et se sentir ailleurs.

On reste tous les trois comme des points de suspension.



Il y a des cirques prometteurs et décevants, s'avoue-t-on en pouffant notre ennui. Se barrer en riant, dans les artères d'ombre, éclairés à demi. Illuminés aussi. On attendra les tambours sous la pluie. Le feu des percussions, le rythme des artifices, que l'on suit, aveuglément. Les enfers déchaînées. Les pudeurs décharnées. Quand ça frappe trop fort contre la peau, que tout devient heureusement rugueux.

La nuit, je sens comme aux soirs des Noël de l'enfance. Cette même envie d'engloutir la nuit et le sommeil, les rêves, pêle-mêle, parce que c'était bon, cette journée, et que le lendemain promet de l'être tout autant.

Compter presque les pas, sur le chemin de la gare. Ce chemin du matin, celui des petits départs, en douce, dans la ville qui baille aux abeilles. Sur le quai, soudain, près du machin d'attente en plexiglas, Clo. arrive. On ne s'est pas vues depuis plus de trois ans. Et la voilà, avec son sac de couchage rose vif et ses cheveux noirs-mais-rose-ce-serait-chouette. Sur ce chemin-de-la-gare-du-matin, qui dans le sens inverse fait un peu mal aux yeux, en bien, les mots s'ouvrent avec une certaine évidence. Et-vit-danse. Dense?


Puis, dans l'appartement où nous déjeunons, avec Bouh, Fr. et Clo, voilà la belle Lu, qui arrive avec les croissants, avec sa robe légère et son regard rieur. On est un peu étonn-é-mu, d'être ici, parce que cette fameuse première fois de festival entre amis, c'était avec Bouh, Fr. et Lu. Et si on m'avait dit qu'on se retrouverait dans ce lieu là, là, beaucoup plus tard... Il y avait une place de libre, inoccupée, à la table et dans nos esprits, pour Celar, au travail, pour un autre festival (histoire à venir), qui manquait, nous manquait.

On a vu des choses bouleversantes, renversantes, poétiques, amusantes, poignantes, questionnantes, évidentes, ardentes, hystérisantes, élégantes, fines, décevantes ou encore terrassantes. A deux reprises, nous sommes tous sonnés, d'un coup de poing, par la grâce, qui nous laisse ébahis, et d'accord tout à fait, émerveillés et touchés. Et ce n'est pas rien.


A côté des spectacles, on a dit des mojitos et bu des paroles, beaucoup. Des bêtises. Des non-bêtises. . Des nourritures de l'esprit, des nourritures terrestres, c'était comme céleste et à la fois terrien. C'était évident et facile, la vie tous les cinq. Il suffit, quand il pleut, de se replier à Jumiège. Ces heures-là ont le goût des gaufres liégeoises qui collent aux doigts dans la nuit et de la menthe qui se fait rare. 

Tellement simple que quand on ramène No, on ferme les écoutilles forts pour ne pas pleurer, comme quand on était ados et qu'on se quittait dans les gares sans bien savoir quand on allait se retrouver. J'ai l'impression de ne pas l'avoir vue ou presque. Je me dis que bientôt, c'est moi qui prendrai le train pour aller la voir. Avec ceux qui restent, on refuse de se quitter le dimanche. 

C'est tout le luxe qu'il nous faut, décider au dernier moment que finalement, non, on se quittera lundi, après avoir bu, et joué, alors qu'il fait gris, et que la ville, toute nettoyée, avait repris son tailleur de pluie comme si rien ne s'était passé.

Je ne sais pas comment fait la rue. Moi j'en reste toute retournée.