vendredi 3 octobre 2014

Septembre, débarquer

Je n'ai rien écrit sur la rentrée. Sur le retour.

C'est assez surprenant, cette idée de "rentrer" au travail. Surtout quand on n'est titulaire que d'une zone-de-remplacement. C'est à dire, d'une steppe, c'est à dire, du vent. Surtout quand on ne fait pas deux rentrées de suite au même endroit.

Plutôt que de rentrer, j'ai l'impression de débarquer. De m'aventurer dans des couloirs inconnus avec cet air curieux et inquiet. Par exemple, cette année, il me manquait une clé. Arriver le matin sans savoir si on va avoir la clé... Comment vous expliquer ce que ça fait ? Ce serait une bonne image de 'la rentrée". Il faut conquérir peu à peu des lieux, se saisir de toutes ces clés, celles pour les serrures, celle pour la cantine, celle pour le portail électrique, celle pour la photocopieuse, celles pour les espaces numériques de travail, celle pour la machine à café. Et puis toutes les clés invisibles et innombrables pour réussir à créer des liens avec les élèves et les collègues. Ces clés là, c'est comme les papillons. Quand on croit mettre la main dessus, on n'est jamais sûr qu'elle ne vont ni étouffer ni s'échapper.

Je n'ai rien écrit sur la rentrée.

Parce que c'est toujours cette sensation dont je parlais il y a deux ans. Que dire d'autre ? A chaque fois, il y a ce coup de poing, les espoirs démesurés et les craintes tout autant. Les précautions, le temps de se tourner autour, de se regarder faire, de se jauger. Toujours cette sensation, si ce n'est que j'ai l'oeil moins humide et le ventre moins hésitant qu'il y a deux ans. Si ce n'est que la pelisse de l'adulte est un peu plus usée et qu'elle tient mieux, qu'elle me démange moins.

A côté, il y a encore tout ce soleil, sur les pierres blanches, qui joue à l'été, à faire comme si, avec ses terrasses repeintes de blanc sec, assises sur un coin de trottoir. Il y a les visites simples-fortes-joyeuses, les rues que l'on remonte, les verres que l'on descend, les blagues nulles et les discussions existentielles. Il y a l'envie de continuer à prendre le temps pour la poésie, pour la cuisine, pour courir un peu même. Le refus de réduire à nouveau sa vie.

Le refus de réduire à nouveau sa vie.

A défaut de pouvoir vivre au jour le jour, apprendre à vivre durant le jour, et à laisser la nuit se goinfrer de silence. Oui, laisser un peu la nuit et participer au grand silence de la ville assoupie. 

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