dimanche 1 juillet 2012

Joie des fourmis, tristesse de bal

La voix de L recouvre tant bien que mal les résonances du bal sur la place. C'est étrange, ces boum boum dans le creux de cette mélodie nocturne et, d'une certaine manière, lyrique. Oui, le bal, le baloche, la guinche. Pas d'accordéon à l'horizon. Du plus loin que je me rappelle, le bal de la place, aux prémices de juillet, me laisse toujours un peu triste. Remontée des contes de fées méprisés. Qualité discutable de la musique. Répulsion de ces attroupements fillasses et mectons. Impression de solitude, parce que définitivement, je ne suis pas d'ici. De la maison, oui. Mais je n'appartiens pas au village. Mutuellement, on ne se saisit pas.  Pourtant, il y a nombre de visages connus, dans ce village. Des bises, quelques mots. Des rencontres fortuites et agréables. Mais la plupart des liens, hors de la famille, sont des liens de seconde mains. Des "amis de". Pas "mes amis de". Mes amis, ils  n'habitent pas ici, ils n'habitent plus ici depuis longtemps.  
Tout est trop fort, la musique, les rires, et la voix. Forcés. Un éclair de grâce, parfois. Rare. C'est la voix d'L qui me donne envie de danser, seule dans le salon. Avec un verre de vin blanc blanc à la main. De ces danses langoureuses, et solitaires, de ces danses essentielles, de ces crimes sans témoins. Alors, je rentre, et je me réjouis dans la solitude de la maison tardive. 

Les moments d'avant me reviennent par bribes. La nuit de travail, les fou-rires nerveux qui me ramènent à une époque stéphanoise lointaine. Se sentir solidaire, dans cette fatigue, entre le point Aznavour et le point Dalida. Avoir mal aux mains et aux avant-bras à force de tapoter sur des touches. Rire des petites bêtises. Ne pas s'endormir, exténués. 


Plus tard, les brins d'herbes chatouillent les jambes, et créent un reflet sur mon pied, juste au dessus de la grande morsure de rose. Les mots se déplient, entre les silences. Tout pèse son juste poids, tout est reçu et entendu. Des tracteurs, quelques familles, des promeneurs avec leur chien. Du passage et nous restons près du tronc couché, pas immuables mais d'une certaine manière stables. L'enthousiasme. Les confidences, the confidence. Les étoiles, le chaos, et les lianes qui les attrapent au lasso : constellations. Des nombres, des noms qui lient nos vies, qui font des formes sur nos crânes et reflètent les complicités. Les fourmis pendant ce temps s'activent dans un désordre feint. Elles escaladent les bras, les jambes, les sacs du pique-nique, silencieusement. Les idées, les projets, suivent ce fourmillement. Un papillon, une coccinelle. Antigone veille encore au dessus de nos têtes, au dessus de nos refus, à l'oreille de nos aspirations. Et le silence. Et le silence. L'essentiel nous croise, nous tricote sans fin. Tout est une étape d'une très longue conversation entamée il y a environ huit ans. L'heure a passé, le temps a glissé sans nous déranger. Reste au soir, la lumière sur le forêt, et nos voix dans la voiture. Pleines encore de ce moment multiple. Au revoir, et qui sait, à demain... 

Aucun commentaire: