vendredi 29 octobre 2010

Dans la poussière #1 : De la vitesse

Dans la poussière, ce sont les vieux fragments jamais sortis de l'ordi ou des carnets, qui datent un peu, sur lesquels j'ai envie de souffler. Celui qui suit date d'il y a 3 ans... et des poussières. C'est un peu facile, mais je ne savais pas encore (consciemment du moins) que je me consacrerais plus tard à l'interstice justement... la continuité me fascine !

"Y’a des journées comme ça… « quand plus rien ne va que tout ne va pas… ». Des journées de peu, de presque rien, de beaucoup trop. Lassitude sans vagues, quelques coups de cœur fanés. Empilement, compilation, emboîtement de tout ce qui n’est pas. Trop de pas assez. On se fait des bleus à chaque pas. Rabâche « avancer coûte que coûte », « le spectacle doit continuer », et toute cette sagesse héroïque, acharnée, gagnante, masochiste, et complètement meurtrissante pour le commun de mortels… Cette morale esclavagiste du hér'ordinaire, qui avance sans s’arrêter… Même plus le droit de regarder le paysage… Même plus le temps de choisir sa voie.  « Circulez, il n’y a rien à voir. » On s’autoroute, toujours, peur du blanc, du silence, de l’échec, de la pause, de la chute, de la lenteur. Pris au siège d’une ture lancée à pleine vitesse, on menace celui qui ralentit de briser le système, de créer l’accident, d’exploser littéralement. Alors dans le manque de souffle on arrête, on s'en veut d'avoir un point de côté, de criser, de se poser (par terre, des questions, en tortue…). Remord incessant du paresseux, du sensible, du lent, du curieux, du danseur, du contemplateur, bref de toutes ces espèces anti-efficaces. Tégévétisés, de la tête aux roues, combien de temps encore pourra-t-on tenir les cadences ?"

A lire à l'occasion : 
Robert Louis Stevenson, Une Apologie des oisifs, Allia 
Bertrand Russel, Eloge de l'oisiveté, Allia

samedi 23 octobre 2010

Les choses graves

Il y a beaucoup de choses "graves" à évoquer ces jours. Qu'est-ce qui est "grave" ? Quelle échelle faire de la "gravité" ? Le grave serait ce qui touche, ce qui tombe si bas, quelque part dans le ventre, quelque chose que le corps entendrait avant nos oreilles, notre cerveau, notre raison. Quelque chose entre le cœur et l'estomac, qui vibre. Comme ce qu'on attribue aux sons graves. Les choses graves peuvent alors être joyeuses, douloureuses, dégoutantes, puissantes : elles résonnent ailleurs. Le ton des deuils, des catastrophes et des amants sur le point de se trouver. Les choses graves conservent leur statut de "grave" quand le cerveau ayant pris possession de l'information se dit que le corps avait raison dans sa réaction première. Quand réaction et réflexion, ensembles, prennent la mesure de la situation et se confortent, et s'encouragent, et s'amplifient. Les choses "graves" ont du poids. Si bien que tout autour parait babil et volage, parait s'envoler vers des cieux ridicules tandis que le grave nous colle à la grève, sous les cailloux le sable, la terre et la table.
Oui il y a des choses graves à évoquer ces jours. Des choses si graves que je n'ai pas les mots, juste les vibrations. Des prisons à ciel ouvert, des fumées dans la gorge, et des bâtons qui volent. Pardonnez moi alors, de ne pas les détailler ici. Terriblement besoin de légèreté, de petits sauts aigus et futiles, un peu égocentriques. De savoir qu'il y autre chose, à côté du grave. Qu'il y a quelque chose d'autre que nos "bouquets de nerfs".

mercredi 20 octobre 2010

Sur la voix...

E pericoloso sporgersi... Se pencher sur sa voix... la travailler, la creuser la sculpter. Dangereux, parce que c'est parfois le meilleur moyen de la perdre, sa voix, de dérailler. Aujourd'hui je travaillais sur des chansons minuscules qui sont rependues sur le carnet, et qui vont partir direction l'Espagne bientôt. Je voulais en faire un truc, leur donner une voix autre que celle des déliés de la cartouche bleue. Envoyer peut-être un bout de cd avec le carnet, pour que notre dialogue musical s'enrichisse encore. Mais la voix ne sort pas comme je voudrais, je n'arrive pas à trouver la "petite musique", l'air profond de chaque chanson. 
Non, en fait, c'est pas ça... ces airs, je les ai plus ou moins mais j'ai du mal a les entendre. L'impression que c'est toujours la même, cette voie de la voix, et je voudrais lui donner d'autres inflexions, d'autres accents, d'autres articulations. Arriver à glisser différents entre les consonnes, réorganiser mon discours musical. Arrêter de penser "désuète", ce mot qui s'est agrafé à tout ce qui sort de moi. Arriver à jointurer mon percucorps à cette voix qui manque de dynamisme. Mais ça marche pas, je ne danse pas comme je chante. Impossible de travestir ma voix sous peine de la perdre, de la voir se barrer dans le faux... Faux, semblant, pale imitation d'alors... La peur du chant aigu, pointu, un peu vieillot. Lyrique. C'est le bat qui blase et qui délaisse. Lyrique malgré moi. Lyrique refoulée, oiseau-livre plus que lyre, c'est pas dans mes cordes ces refrains là. 
Alors il suffit de se taire un peu et de monter la note, dans le calme de l'appartement "En septembre je suis trop douce". De sourire du constat, de pâlir dans l'effroi d'être déjà octobre, de mourir de la voix et d'écouter l'équation impossible que d'autres voix ont déchiffré.  "Mon frère arrive d'Angleterre au train de quatre heure et demi..."

samedi 16 octobre 2010

A la rue... bis

Il y avait du monde dans la rue, dans les rues aux noms bien connus. Les trajets sont peu ou proue toujours les mêmes. C'était une drôle de solitude que la mienne, perdue au milieu de tout le monde. Pas que je sois une nouvelle venue sur le pavé, loin de là. Mais le pavé sans les copains à côté... La fougue m'a passé, la colère et l'urgence que je ressens si intimement s'expriment par le silence dans lequel résonnent mes pas. Un peu de scepticisme aussi peut-être. Combien de fois avons nous été là dehors, sous le soleil ou la pluie, à chanter ou à tchatcher... Je me demande quelle voix on a, tous, à crier comme ça. J'essaye d'imaginer ce que serait une manifestation silencieuse, un genre de cortège funèbre. Je veux dire, vraiment silencieuse. Ce serait difficile à tenir, mais comme ce serait plus impressionnant, assourdissant même, beaucoup plus peut-être que les slogans mal jetés dans les mégaphones grésillant. Mais ce n'est qu'un hypothèse. L'hypothèse que ce qui compte, ce sont tous ces corps, ensemble, en marche vers quelque chose. C'est l'éclatante présence, la résonance du pas sur la route, les voitures à l'arrêt, l'envie de dire "je suis là, nous sommes là, on est là.".

J'ai toujours cru qu'il fallait un certain bon sens, voire même un sens de l'orientation pour être paumé, pour être encore à la rue. Mais après ? 

Le coup dur c'était de voir, en partant, qu'il y avait presque autant de monde dans les rues alentours que dans le cortège. Des centaines de gens pour magasiner. Des centaines de carte bleues, et de sac en plastique. Les samedis en ville sont si tristes et si prévisibles...

vendredi 15 octobre 2010

A la rue...

Longtemps j'ai décidé de changer d'itinéraire tous les jours ou presque et puis on a beau s'acharner, il y a des rues qu'on prend tous les jours ou presque, des rues qui disent "tu es bientôt arrivée", des lieux familiers. Des rues devenues intimes, même pour les boulevards. La rue pour aller chercher le pain, celle pour aller prendre un vélo, le pont en face de chez moi, la ruelle qui mène au marché, celle qui mène au metro. 
Ces rues me sont familières, un peu usées, proches, et pourtant étrangères : je n'en connais pas le nom. Parfois je regarde, ou au moins je me dis que je vais regarder, mais j'oublie. J'oublie de regarder ou j'oublie le nom. Ces rues ont un genre de dénomination-sensationnelle, une représentation émotive précise, mais pas de nom, pas de mot. Pourtant, habiter rue d'Elise ou place Jaurès cela n'a rien à voir. Le nom des rues ça compte. Pas pour toutes, pas pour ces rues que je non-nomme de mes impressions. Alors c'est pas grave. Je perdrai d'autres noms. 

Je n'arrive plus à me rappeler du numéro de la maison à Olivemount... Un jour je vous raconterai moi et les nombres. Mais celui là me manque, me blesse, j'aurais bien aimé le garder... Il faut savoir se départir - partir.

mercredi 6 octobre 2010

Je m'en lave les mains...

     De la menterie dans les oreilles et des aveux à pleine voix. "Menteur", "La Menteuse" et "Je mens", pièces qui s'enfilent sur la même corde. On en revient toujours aux topiques, pas si tristes topiques... Masques et théâtre du monde, représentation, bal sociétal et rôle pas toujours drôle. L'étrange impression de saisir un peu de la "petite musique" de l'époque, d'un courant. De mettre des fils sur l'impression d'homogénéité . C'est quand même cocasse, cette variété dont on a fait un lieu commun... On parle de la même chose. Quelle variété ?  Celle des masques, peut-être, le choix d'y mettre les formes. Le choix d'un haut de forme ou d'un loup vénitien. D'en rire, de s'en foutre, de convoquer Brad Pitt, un amoureux transis ou encore un paumé. D'en faire son truc à soi, même quand c'est la télé qui parle dans notre bouche. Et c'est bien la seule réussite qui nous tienne, peut-être, avoir un semblant de truc à soi, des mots bien mâchés, à notre goût léchés. Une petite recherche sur deezer m'abreuve de références... tout le monde a donc écrit sur ses petits bobards. Le drame personnel, la honte intime, ce que je fais pour mentir, m'en tirer, finalement. La tension entre ce que je dois être et ce que je suis, ce dont je ne sais rien... Oui mais, le droit de le dire, de se mettre à nue, ou bien de faire semblant... Finalement, en disant que je mens, je me donne le luxe d'être honnête... Et le mensonge, celui qu'on pratique et puis qu'on avoue, celui qu'on partage, se retrouve encore une fois au pilori du "c'est maaaal" qu'on bêle à qui mieux mieux, parce qu'on vaut tellement mieux. Retours de confessions...
     Alors j'ai envie de ne rien vous dire de la véracité de mes propos ; vous ne saurez pas si je mens, si je ne mens pas... Je veux garder cela pour moi. Garder dans ce partage, le droit d'avoir recours aux fictions que je veux comme aux vérités qui me fondent, le droit de ne jamais soulever le voile d'Isis. Le droit d'être menterie, menthe, démente, ou coquetterie. Le choix du masque et de la plume. 
     Toute ma tendresse pour le morceau d'Alain Bashung qui chante "Je mens" et qui continue de broder... Quel délicatesse... "La nuit je mens, je prends des trains à travers la plaine... La nuit je mens, je m'en lave les mains..."

lundi 4 octobre 2010

"Souris" à la vie...

En ce moment il y a des pattes innombrables dans les murs et la peur enfantine des doigts de pieds chatouillés à l'heure du sommeil. La peur primaire, celle d'être envahie, d'être grignotée, de subir l'ouverture de la chambre. Qu'il est difficile de tenir, de bien se tenir. Je cède si vite au massacre, aux claps de fin en fer "Lucifer", aux anticoagulants agglutinés dans les recoins. Et la douloureuse conscience d'abréger une vie est vite dépassée par la certitude de recommencer à dormir. Le prix de la tranquillité est-il acceptable ? Comment apprendre à vivre sans la peur de l'infection, de cet autre inconnu qui ne sait pas parler. Je constate avec horreur que je suis une enfant de mon siècle, prête à empoisonner, à sacrifier quelques rongeurs sur l'autel du sanitaire, du propre, du sommeil. Je me demande, du coup, s'il m'arrive de me réveiller...