dimanche 10 septembre 2017

Lumière Chronique 3 : Et des gens, autour.

En rentrant dans la vi(ll)e, il y a eu ce bonheur de retrouver ceux d'ici, ceux avec qui étaient de  la vadrouille, ceux pas vus depuis deux mois. Et puis le retour des collègues.
"Alors ces vacances ? "
"Et M. c'était comment ?" 
"Tu l'as prise, cette semaine d'écriture ?"
"T'es allée où déjà ?" 

Les réponses se bricolent, plus ou moins longuement. On se raconte les lieux, les expériences, les moyens de transport, les anecdotes de plans foireux, les impressions fugaces. On se raconte en dates et en itinéraires. On se dit que ça va, ou parfois pas. On se répète, d'une conversation à l'autre. Des phrases se moulent, et reviennent, telles quelles. 

"Ce n'est pas l'endroit où je serais allé en premier mais du coup..." 
"Une belle surprise." 
"Les villes sont magnifiques, mais on n'a pas arpenté la campagne autrement qu'en bus. Pas d'ombre et 40 degrés. Zones pelées. Que l'ombre des cactus." 
"Plein de gens et de lieux. Deux ou trois jours chaque fois." 
"On a été près de B. chez la mère de. Et puis après. Ensuite on a. Et enfin, s'arrêter à. Avant de rentrer."
"Pas l'habitude de passer tant de temps sans me retrouver seule, mais c'était bien." 
"Presque pas écrit, mais c'est pas grave."

A l'intérieur, c'est autre chose qui se dit. 

Cet été ? 
C'était beau. Beau, t'sais. 
Pendant des années j'ai eu du mal avec l'été. Mais les derniers. Le dernier. C'était beau, t'sais. Beau à s'en essouffler. 
Des kilomètres comme des fils d'une ville à l'autre, d'un.e ami.e à l'autre, d'un membre de la famille à l'autre. A sentir les liens tenir, à épargner les coutures, à défaire le labyrinthe et les distances qui estompent parfois. 

Cet été ? 
La chance, dis. La chance dense. 
La danse. 
Tous ceux là à serrer dans les bras. Tous ceux là avec qui rire, parlerparlerparler, jouer, se taire, sourire en coin, se balader, boire des verres dehors, glousser, pleurer, dormir. Dormir, avec cette confiance qu'il faut pour partager un toit, une chambre ailleurs, un quotidien, et la fluidité pour ne pas se gêner dans la cuisine. Tous ceux là avec qui se dire la vie, à tous les étages, se dire les choses crues, se dire les choses tues. Tous ceux qui envoient des petits mots, douuux, ou qui les disent en vrai, souvent l'air de rien. Mais j'entends. Ceux qui ne nous ressemblent pas, et qu'on retrouve avec délices ici ou là, avec la certitude qu'on se reverra, dans un mois ou un an, qu'au pire on s'aimera de loin en attendant. 

Les kilomètres qui s'engouffrent sous le bas de caisse me fatiguent un peu et me ravivent beaucoup. Ils ne nous éloignent pas. J'ai l'impression de glisser sur les routes et les airs comme sur des rubans anthracites. Déliant les pas, nouant les liens. Je sens chaque présence, au loin, au bout d'un fil. Pas de ces laisses sur lesquelles on tire mais de ces laines nuageuses, extensibles dans lesquelles on s'enroule pour se rapprocher. 

Cet été ? 
L'amour. 
Je me méfie en général, avec ce mot fourre tout, badigeonné de grenadine collante, dilué dans des eaux pas très nettes et éructé par des bouches insipides. Mais faut bien le reconnaître, au delà de son déguisement laid de tous les jours, quand il se pointe en soufflant autour des épaules, on ne peut qu'arrêter de prendre des grands airs, et prononcer son nom. Parce que c'était ça, cet été, se rappeler combien j'aime tous ces gens de ma vie, et sentir de manière plus aiguë que c'est visiblement réciproque. Certes, il y a les aspérités et les défauts de fabrication, ceux qui font qu'aucun de nous n'est un modèle de série ou de perfection. Il y a les rugosités par lesquelles s'accrocher, et les failles qui laissent le rire résonner longtemps. Les cases en moins qui laissent de l'espace pour se rencontrer, le temps d'un coup de fil, d'un repas, d'un séjour partagé. Cet été, se sentir aimé.r. 






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