mardi 23 septembre 2014

A l'atelier #2 : Dehors (septembre bis)

Allez, un texte d'atelier, pour balancer encore l'été dans son hamac de papier. Ici, il s'agissait de  poursuivre un texte de Philippe Malone, Septembre, poème d'un seul souffle qui suit le parcours d'un enfant dans un paysage en ruines et sous les bombardements, jusqu'à l'âge d'homme. Le fragment initial en italique est donc de l'auteur. (Au passage, allez donc lire le livre en entier...) Et puis, inspirée par Augustine, une version sonore à écouter en bas, comme en atelier. 


*

et commence le long chemin de l'enfant, bras en croix, mains ouvertes dans le couloir obscur, où il sent le courant de l'air qui arrive du bout du couloir, sans que les yeux puissent toucher autre chose que la nuit, sans lampe, sans veilleuse, et bascule son corps sur la jambe gauche, gauche le corps déséquilibré sans ligne d'horizon, alors l'enfant appuie de ses oreilles sur le silence interne, alentour, sur cette seule ligne droite pour soutenir le lent basculement d'une marche à tâtons

et il décroise dans l'espace secret, sa main droite, juste après la jambe droite, l'une qui cherche le sol, l'autre qui cherche le mur, et qui n'a pas le loisir d'hésiter, à l'orée de ce mur fait d'on ne sait trop quoi, alors la main de l'enfant heurte la paroi, s'étonne des aspérités franches d'une peinture écaillée qui fait comme une falaise au bord de la nudité, pendant que le pied de l'enfant se repose sur le sol sans être sûr qu'après, il n'y aura pas la même falaise que sur le mur, et à chaque nouveau pas, il faut tâter l'espace, essayer de voir du bout de la chaussure où s'arrête le monde – Est-ce que c'est là ? Est-ce que c'est là ?- jusqu'à ce qu'un corps dise, c'est ici que ça s'arrête pour un temps, que tu dois réfléchir, encore, à l'enjambement des corps, d'accord, d'accord, dit l'enfant, aux yeux ouverts à vide, quand une larme penche,

alors l'enfant trouve au fond de sa jambe comment survoler le corps et rassurer le gouffre qui suit, et il continue, ainsi, jusqu'à ce que la main tombe soudain dans le vide, jusqu'à ce que le pied sente le sol s'effriter et lui faire une place, jusqu'à ce que le vent qui bouscule ses cheveux soit plus fort, il continue ainsi, pesant chacun de ses muscles, vivant chaque bout de corps jusqu'à ce qu'il soit dehors.


  

1 commentaire:

Augustine a dit…

Oh ! Ta voix qui lit tes mots, berceuse du soir si douce.