samedi 24 mars 2012

Le Principe d'adhésion

Il est toujours étonnant de lire des critiques littéraires et cinématographiques qui soulignent 'l'invraisemblance" d'une œuvre. Je ne reviendrai pas sur toute cette question d'une construction vraisemblable de l'intrigue et des personnages, du réalisme social, psychologique, géographique, historique, de cette volonté de faire croire que tout ce qui est représenté pourrait exister. Que c'est logique, explicable, justement, semblable au vrai. 
Je n'y reviendrai pas parce que de toute façon, on peut essayer de coller au réel, c'est impossible. L'encre, la caméra nous séparent de la vie et ne restent jamais "que" représentation. Et nous, lecteur, spectateur, même plongés au plus palpitant de l'image, nous restons écartés de la vie à ce moment de contemplation. Nous vivons par medium interposé.Oui les émotions, l'attachement aux personnages est réel, parfois plus réel presque que nos liens avec des personnes qui ne sont pas des personnages. Mais il reste cet écart irréductible, une zone symbolique qui donne une direction, des sens à ce qui n'en a pas.
A partir de ce moment là, qu'importe que le tout soit invraisemblable. Rentrer dans une œuvre, c'est un peu comme pénétrer chez quelqu'un : il faut accepter quelques principes de base. Adhérer au moins un brin à ce qui nous est proposé, sans quoi il n'y a pas de contact possible. Les oiseaux parlent grec, très bien. Un petit geste de la main permet de lancer de la soie d'araignée, parfait. Une femme se réveille en ayant oublié quinze ans de sa vie, d'accord. On a le droit de refuser d'adhérer, mais il devient alors impossible de rencontrer l’œuvre, de parler avec elle si on en refuse les principes de base. Impossible d'admettre qu'un homme éteint des lampadaires avec un briquet ? Il faut s'arrêter là et ne pas se cogner les 7 tomes d'Harry Potter, cela ne pourra faire aucun sens, et demeurera stérile. Adhérer au postulat de départ ne garantit pas que le livre ou le film sera apprécié. Mais cela permet tout au moins de se confronter à ce qui constitue l’œuvre et qui n'est jamais simplement  un fait, un trait de caractère. 
On peut faire toutes les critiques possibles et imaginables à une œuvre. Mais dire qu'elle est invraisemblable, ce n'est pas critiquer, c'est oublier que les personnages ne sont pas des personnes et que l'intrigue, fut-elle tirée de faits réels, n'est pas un vécu. Pour des gens dont c'est le boulot, de travailler avec des media, ça me parait toujours assez grave. La représentation n'est possible que parce que nous l'admettons comme telle. Que parce que nous acceptons de faire comme si.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Réflexion très pertinente sur l'adhésion. Elle fait écho écho à une étude en sciences cognitives (neuro-esthétique) où a été mis en évidence le "principe d'adhésion". Dans un ouvrage de yannick Bressan, le découvreur de ce phénomène neuro-cognitif, ("Du principe d'adhésion, approches historiques et phénoménologiques") ce concept et phénomène fondamental a été fort bien construit et développé.
Pour pousser plus loin cette réflexion, ce peut être une bonne piste.

David

Félixe Blizar a dit…

Merci beaucoup pour cette piste à suivre, ce fil à tirer. :)